La parodie de marques dans un contexte économique

De nos jours, les codes marketing sont grandement influencés par les réseaux sociaux.
Si la tendance pour le professionnel consiste à se placer au plus près du consommateur dont il emprunte les codes, il est pour autant soumis à bien plus de précautions.
Parodie, pastiche, référence ou clin d’œil sont autant de stratégies envisageables mais risquées pour le professionnel, lequel n’est pas un internaute comme les autres…

Juin 2025

Par Pierre Favilli,
Conseil en propriété industrielle,

Directeur Général Délégué, LEGIMARK

Contrairement au droit d’auteur, le droit des marques ne prévoit pas d’exception de parodie dont l’objectif est la défense de la liberté d’expression.

En effet, le critère, probablement plus simple à appréhender, consiste à se questionner quant à l’usage dans la vie des affaires de la marque d’autrui. Autrement dit, l’usage à titre parodique d’une marque ne sera pas condamné dès lors qu’il n’est pas destiné à la recherche d’un avantage économique direct ou indirect, dans le cadre d’une activité commerciale (CJCE, n° C-206/01, Arrêt de la Cour, Arsenal Football Club).

Lorsque qu’un professionnel se lance sur le terrain de la parodie, il semble évident qu’il recherche à mettre en avant son activité commerciale et recherche donc un avantage économique direct ou indirect. Le risque de condamnation pour contrefaçon de marque semble donc tout aussi évident.

En dehors du terrain du droit des marques et de la condamnation en contrefaçon (qui semble donc simple à appréhender), l’usage parodique de la marque d’autrui expose à d’autres types de risques, notamment sur le terrain de la responsabilité civile.

  1. Sur l’utilisation positive des marques antérieures

L’un des risques majeurs est celui de l’atteinte à la renommée d’une marque antérieure et notamment la reconnaissance d’actes de parasitisme, qui consistent en un ensemble de comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit sans rien dépenser de ses efforts et de son savoir-faire.

Récemment, la société Louis Vuitton Malletier a ainsi engagé une action à l’encontre d’un fabricant de jouet ayant reproduit son logo emblématique sur un produit en forme de valise, elle-même inspirée d’un emoji (TJ Paris, 25 avril 2024, n° 19/09163, Louis Vuitton Malletier, Affaire « Pooey Puitton ») :

Si les juges ont reconnu l’intention parodique du fabricant de jouet, ils en déduisent d’ailleurs qu’elle constitue une reconnaissance implicite du grief de parasitisme, dès lors l’objectif était de se placer dans le sillage de la société Louis Vuitton afin de profiter indûment de la renommée de sa marque et de ses produits, fût-ce sur le mode de l’humour ou de la moquerie.

Ils rejettent ainsi les arguments de la défense selon lesquels le fabricant de jouet aurait consenti des investissements importants sans profiter de la seule connaissance de la marque antérieure et le fait que le public cible (des enfants de 6 à 8 ans) reconnaissent immédiatement un produit de la gamme Poopsie et non un produit Louis Vuitton, dès lors que le public pertinent est en réalité composé des acheteurs du produit, très majoritairement des parents.

Par ces motifs, les juges reconnaissent ainsi que les actes incriminés constituent bien des actes de parasitisme, également à l’origine de la vulgarisation de l’image du produit et condamnent ainsi le fabricant de jouet à la réparation de ces deux préjudices.

Cette affaire n’est pas sans rappeler la condamnation de la société Wilkinson suite à son coup marketing réalisé à la veille d’un match entre la France et la Nouvelle Zélande dans le cadre de la Coupe du Monde de Rugby (TJ Paris, 27 juin 2014, n° 12/12555 (FFR / Wilkinson – JWT) :

Notons que sur cette publicité, la moustache présentée constitue un détournement du logo officiel de la sélection néozélandaise, tandis que le prénom « Marc », fait référence à Marc Lièvremont, sélectionneur de l’équipe française (XV de France) à l’époque.

Les juges ont ici considéré qu’au regard du contexte, la société Wilkinson a souhaité capter indûment les bénéfices des investissements engagés par la Fédération Française de Rugby, en ce que le sous-titre associant la marque de l’annonceur et l’équipe nationale de France amenait le public à croire que la société Wilkinson était un partenaire commercial de la FFR.  

  1. Sur l’utilisation négative des marques antérieures

Dans le milieu des affaires, si la critique n’est pas interdite par principe, elle ne doit pour autant être assimilable à des actes de dénigrement. 

Une affaire opposant les sociétés titulaires de marques Nocciolata et Nutella nous offre des précisions intéressantes concernant la critique dans un contexte concurrentiel (CA Paris, 8 décembre 2023, n° 22/04756, S.A.S. FERRERO FRANCE COMMERCIALE c/ S.A.S. RIGONI DI ASIAGO France).

Afin de mettre en avant ses produits, Nocciolata a ainsi lancé un spot publicitaire en utilisant les slogans « Nocciolata, c'est sans huile de palme » et « Nocciolata c'est bio et c'est bon », associés à une représentation d’orang-outan.

Pour rappel, la société Ferrero, titulaire de Nutella, est fréquemment dénoncée concernant l’utilisation d’huile de palme (dont la production est tenue pour responsable de déforestation et donc, de disparition de la faune dans certaines régions du monde).

Dans cette affaire, les juges ont considéré que s'il est exact que Nutella occupe une position dominante sur le marché français de la pâte à tartiner et bénéficie d'une grande notoriété, il n'en demeure pas moins que la seule référence à l'absence d'huile de palme dans le produit Nocciolata, même associée à un orang-outan, n'établit pas que le consommateur fera un lien entre cette publicité et Nutella.

Pour sa défense, Nocciolata a d’ailleurs transmis un sondage IFOP attestant que peu des personnes interrogées citent spontanément Nutella après avoir visionné la publicité.

En l’absence de lien direct et évident entre l’auteur de la publicité et son concurrent, les juges ne prononcent donc aucune condamnation.

Cette jurisprudence nous enseigne que si la critique n’est pas interdite, elle doit être fine !

LEGIMARK, cabinet de conseil en propriété industrielle, se tient à votre disposition afin de vous accompagner en amont de tous projets commerciaux et campagnes de communication afin d’évaluer et écarter les potentiels risques juridiques.

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